domingo, 7 de abril de 2013

Camino de Papel

Le chemin de Compostelle de Jean-Christophe Rufin


Médecin, écrivain et diplomate élu à l'Académie française, Jean-Christophe Rufin est parti le 26 mai 2011 d'Hendaye, il est arrivé à Compostelle le 28 juin, au terme de 850 km de marche sur le Camino del Norte. Une aventure qu'il relate dans un livre.

Pèlerin. Le livre que vous venez de publier a pour titre Immortelle randonnée  et pour sous-titre Compostelle malgré moi (Ed. Guérin). Cela mérite une explication…
Jean-Christophe Rufin.  Ce titre fait allusion à mon statut d'« immortel » : tout académicien que je suis, j'ai marché pendant un mois, porté ma mochila  (sac à dos), couché sous ma tente et mangé des bocadillos  (sandwichs)...
Mais j'ai également souhaité évoquer le caractère particulier d'un voyage vers Compostelle, qui est de l'ordre de l'Éternel. C'est une manière de prévenir le lecteur qu'il ne va pas lire un récit de voyage classique.
Jean-Christophe Rufin devant une chapelle de montagne sur le chemin de Compostelle/Quant au sous-titre, il donne le ton : celui de la dérision que j'entretiens par rapport à moi-même. Lorsque j'ai accompli ce voyage, je venais de passer trois ans au Sénégal, servi par des gens en gants blancs qui m'appelaient « Excellence ».
Et je me suis retrouvé à marcher, chemineau parmi tant d'autres... un peu malgré moi, il faut l'avouer. J'ai en effet préparé ce projet sans savoir si j'allais effectuer la Haute Route pyrénéenne ou le chemin de Compostelle par le nord.
Arrivé à Hendaye, en réalité, je n'avais plus le choix. J'étais déjà happé par le chemin. J'ai renvoyé du matériel de montagne par La Poste et je suis parti.
Pouvez-vous, a posteriori, répondre à la fameuse question des motivations du départ ?
Je n'avais pas envie de relever un défi sportif, mais plutôt d'effectuer une marche au long cours pour mûrir un certain nombre de questionnements. Le déclencheur a été le livre sur Jacques Cœur que je préparais : j'avais besoin de m'immerger dans le Moyen Âge, période faste du chemin de Saint-Jacques.
Synchronicité supplémentaire : c'est par la rue d'Auron, où serait né le grand argentier de Bourges, que passaient les jacquets de la voie limousine.
Vous dites que « le chemin est une alchimie du temps sur l’âme ». Quelles sont les phases de cette progression ?
Je respecte les pèlerins qui effectuent le chemin par étapes, mais cette marche fragmentée ne permet pas au temps de faire son travail. Lorsqu'on accomplit le parcours en une fois, on suit une progression. D'abord, il faut roder le corps, les muscles. On est accaparé par les problèmes matériels : s'alimenter, trouver de l'eau. C'était la première fois que je faisais une si longue marche, et il m'a fallu plusieurs jours pour m'adapter à ma nouvelle condition de pèlerin.
J'ai ensuite vécu une deuxième étape, à l'écoute du message délivré par le chemin à travers son patrimoine chrétien : églises, cathédrales, monastères. J'y ai rencontré de curieux personnages : un prêtre à Cóbreces qui, pendant sa messe, a fait un vrai talk-show en guise de sermon. Ou encore un moine basque, rigolant avec les filles de passage au monastère de Zenarruza, mais très digne lorsqu'il récitait les psaumes.
Ayant dépassé cet horizon, je me suis engagé dans une troisième période, où je pense avoir touché l'essentiel. Dans les Asturies, on traverse des villages désertés, parsemés d' h órreos  (greniers à grains), qui n'ont pas beaucoup évolué depuis le néolithique. C'est alors que je me suis senti délivré de tout. J'ai compris que ce pèlerinage ne répondait pas à une approche dogmatique, mais plutôt à une démarche initiatique. Car je ne cherchais rien, et je l'ai trouvé.
Une fois que l'on a fait un certain nombre de jours de marche, on est invité à abandonner ses désirs, ses idées reçues – c'est pourquoi j'écris dans mon livre que Compostelle est un pèlerinage bouddhiste. À ce stade, notre terreau intérieur est prêt à accueillir un itinéraire spirituel, quel qu'il soit. Pour les dernières étapes, ma femme m'a rejoint. J'ai donc dû redescendre sur terre. J'étais complètement décalé par rapport à elle, et c'est alors que j'ai mesuré le chemin parcouru. Cette phase a amorcé mon retour vers les autres.

Comment avez-vous vécu l’arrivée à Saint-Jacques ?
J'ai tout d'abord été déçu de me retrouver au milieu de cette foule, jusque dans la cathédrale où les places assises sont accaparées par ceux qui arrivent en car. Sans parler des marchands de souvenirs ! On aimerait arriver dans un lieu plus authentique. Cependant l'émotion a fini par prendre le dessus pendant la messe des pèlerins, où j'ai vécu un véritable moment de communion.
Et votre retour ? Y a-t-il pour vous un « avant » et un « après » Compostelle ?
Parvenu au terme du voyage, je me suis dit que je n'étais pas arrivé ; j'ai compris que le but n'était pas matériel. Au retour, j'ai réfléchi à ce que le chemin m'avait apporté. Comme la nécessité de se libérer du superflu, ce que j'appelle la « philosophie de la mochila  ». Dans mon chalet, j'ai élagué beaucoup de reliques du passé qui encombraient mon présent. Ce nettoyage m'a amené à m'interroger sur ce qui était important pour moi. Et j'ai compris que les fonctions officielles que j'avais occupées n'étaient pas essentielles. J'ai décidé de me consacrer à l'écriture, une activité qui me remplit de bonheur.
« Excellence ».
Et je me suis retrouvé à marcher, chemineau parmi tant d'autres... un peu malgré moi, il faut l'avouer. J'ai en effet préparé ce projet sans savoir si j'allais effectuer la Haute Route pyrénéenne ou le chemin de Compostelle par le nord.
Arrivé à Hendaye, en réalité, je n'avais plus le choix. J'étais déjà happé par le chemin. J'ai renvoyé du matériel de montagne par La Poste et je suis parti.
Pouvez-vous, a posteriori, répondre à la fameuse question des motivations du départ ?
Je n'avais pas envie de relever un défi sportif, mais plutôt d'effectuer une marche au long cours pour mûrir un certain nombre de questionnements. Le déclencheur a été le livre sur Jacques Cœur que je préparais : j'avais besoin de m'immerger dans le Moyen Âge, période faste du chemin de Saint-Jacques.
Synchronicité supplémentaire : c'est par la rue d'Auron, où serait né le grand argentier de Bourges, que passaient les jacquets de la voie limousine.
Vous dites que « le chemin est une alchimie du temps sur l’âme ». Quelles sont les phases de cette progression ?
Je respecte les pèlerins qui effectuent le chemin par étapes, mais cette marche fragmentée ne permet pas au temps de faire son travail. Lorsqu'on accomplit le parcours en une fois, on suit une progression. D'abord, il faut roder le corps, les muscles. On est accaparé par les problèmes matériels : s'alimenter, trouver de l'eau. C'était la première fois que je faisais une si longue marche, et il m'a fallu plusieurs jours pour m'adapter à ma nouvelle condition de pèlerin.
J'ai ensuite vécu une deuxième étape, à l'écoute du message délivré par le chemin à travers son patrimoine chrétien : églises, cathédrales, monastères. J'y ai rencontré de curieux personnages : un prêtre à Cóbreces qui, pendant sa messe, a fait un vrai talk-show en guise de sermon. Ou encore un moine basque, rigolant avec les filles de passage au monastère de Zenarruza, mais très digne lorsqu'il récitait les psaumes.
Ayant dépassé cet horizon, je me suis engagé dans une troisième période, où je pense avoir touché l'essentiel. Dans les Asturies, on traverse des villages désertés, parsemés d' h órreos  (greniers à grains), qui n'ont pas beaucoup évolué depuis le néolithique. C'est alors que je me suis senti délivré de tout. J'ai compris que ce pèlerinage ne répondait pas à une approche dogmatique, mais plutôt à une démarche initiatique. Car je ne cherchais rien, et je l'ai trouvé.
Une fois que l'on a fait un certain nombre de jours de marche, on est invité à abandonner ses désirs, ses idées reçues – c'est pourquoi j'écris dans mon livre que Compostelle est un pèlerinage bouddhiste. À ce stade, notre terreau intérieur est prêt à accueillir un itinéraire spirituel, quel qu'il soit. Pour les dernières étapes, ma femme m'a rejoint. J'ai donc dû redescendre sur terre. J'étais complètement décalé par rapport à elle, et c'est alors que j'ai mesuré le chemin parcouru. Cette phase a amorcé mon retour vers les autres.

Comment avez-vous vécu l’arrivée à Saint-Jacques ?
J'ai tout d'abord été déçu de me retrouver au milieu de cette foule, jusque dans la cathédrale où les places assises sont accaparées par ceux qui arrivent en car. Sans parler des marchands de souvenirs ! On aimerait arriver dans un lieu plus authentique. Cependant l'émotion a fini par prendre le dessus pendant la messe des pèlerins, où j'ai vécu un véritable moment de communion.
Et votre retour ? Y a-t-il pour vous un « avant » et un « après » Compostelle ?
Parvenu au terme du voyage, je me suis dit que je n'étais pas arrivé ; j'ai compris que le but n'était pas matériel. Au retour, j'ai réfléchi à ce que le chemin m'avait apporté. Comme la nécessité de se libérer du superflu, ce que j'appelle la « philosophie de la mochila  ». Dans mon chalet, j'ai élagué beaucoup de reliques du passé qui encombraient mon présent. Ce nettoyage m'a amené à m'interroger sur ce qui était important pour moi. Et j'ai compris que les fonctions officielles que j'avais occupées n'étaient pas essentielles. J'ai décidé de me consacrer à l'écriture, une activité qui me remplit de bonheur.

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