viernes, 25 de julio de 2014

Historias del Camino

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ULTREIA

Présenté comme un cri de ralliement ou d’encouragement des pèlerins, le mot « Ultreia » conserve un certain mystère. Cela concourt à la magie des chemins de Santiago et alimente les rêves des pèlerins de Compostelle.
L’origine de ce mot n’est pas encore bien certaine. Selon les uns, il provient du latin: ultra. Pour d’autres, il aurait plutôt une autre origine, étant donné qu’on trouve deux fois ce mot dans le Livre I du Codex Calixtinus, manuscrit du XII siècle de la cathédrale de Compostelle. Il est inclus dans deux poèmes latins dont les titres soulignent l'apport de mots étrangers, «grecques et hébraïques» :
1) une fois dans le chapitre XXVI feuillet 120 v°, dans la messe de saint Jacques dite de Calixte, dans ce verset : suseia, ultreia.
Ce verset appartient à la dixième strophe de la «prose de saint Jacques en paroles latines, grecques et hébraïques, abrégée par le pape Calixte» et composée comme un poème de 14 strophes. Au-dessus des mots " suseia, ultreia" sont écrits dans le manuscrit les mots "sursum perge, vade ante" qui signifient «lève-toi, va de l’avant».
2) une fois dans les «suppléments», feuillet 193/122, dans la quatrième strophe (sur 13) d’un poème titré " Alléluia" en grec.
"Herru Sanctiagu / Gott Sanctiagu / E Ultreia, e suseia / Deus aia nos".
Cette strophe de quatre vers est écrite dans une langue de typo germanique. On peut la traduire ainsi : «Monsieur Santiago / Bon Santiago / allons plus loin, plus en haut / que Dieu nous aide».
D’où provient ce quatrain ? Sans doute né de chansons populaires germaniques reprises depuis le XI siècle au moins, dans les textes cléricaux largement diffus dans toute l'Europe, aussi bien en entier (exemple 2), que partiellement (exemple 1), avant d’arriver jusqu’à Compostelle d’où il a pu essaimer encore ailleurs.
Après 1150, on le retrouve dans une seconde version du Livre de saint Jacques, dans un chant versifié titré «verset d’Aimeri Picaud, prêtre de Parthenay» qui résume la vie de saint Jacques et récite les 22 miracles qui lui sont attribués [1].
On peut imaginer que le mot "ultreia", isolé, fut repris comme cri de bataille, cri de ralliement ou de joie par les pèlerins de Santiago, qu’ils aillent à Compostelle, vers d’autres sanctuaires à lui ou bien vers tout autre sanctuaire. On le retrouve, francisé, dans nombreux textes médiévaux, comme dans le "Roman de Renart" :
«ils ont crié oultrée / Et puis chez eux s’en sont retournés»
Mais il a pu être aussi un cri de guerre, associé à l'action du pèlerinage spécifique des Croisades: au XIII siècle, le troubadour Guiot de Dijon l’utilise en ce sens quand il fait chanter la jeune fille qui pleure son beau chevalier parti pour la Terre Sainte :
«Mon Dieu, quand ils crieront Oultrée, Ô Seigneur, aidez mon pèlerin pour lequel je suis épouvantée car impitoyables sont les Sarrasins».
Cette strophe née il y a plus de mille ans, vit encore. Aujourd’hui c’est le refrain d’une chanson pour les pèlerins de Compostelle composée par Claude Bénazet et qui figure dans le guide spirituel du pèlerin de l'abbaye de Conques :" Ultreia, ultreia, et suseia / Deus adjuva nos".
Bernard Gicquel, avec la collaboration de M. V. Cambriels et D. Péricard-Méa
1) manuscrit transcrit dans l’ "Histoire littéraire de la France" 1847, t. XXI p 277

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